Remaniement : Annadif, futur Premier Ministre ?

Publié le par Abouchanab Djahanouf Al-djihémane

Après six mois de rumeurs liées à l’éjection du Premier ministre, les choses commencent à se préciser. D’autant que la durée de vie d’un Premier ministre au Tchad, est en moyenne d’un an. L’actuel occupant du poste, est même en train de battre un petit record (Un an et cinq mois)… Les enjeux politiques de l’heure, les pressions familiales et des partenaires internationaux qui pèsent sur le chef de l’Etat, risquent fort de mettre fin aux supputations.
 La Voix, fidèle à son ambition d’éclaireur, qui consiste à capter l’atmosphère ambiante, à tâter le pouls de la société, à sonder les intentions des dirigeants en faisant l’exégèse de leurs actes et de leurs paroles, propose dans le présent dossier, une simulation des choix présidentiels dans l’hypothèse de la désignation d’un nouveau chef du gouvernement. L’occasion faisant le larron, la rédaction en profite pour présenter la fonction de Premier ministre que certains analystes considèrent comme une coquille vide au service exclusif des intérêts et des calculs politiques du Prince. Si les attributions et compétences constitutionnelles du PM semblent avoir de l’épaisseur, confronté aux réalités, le Premier ministre au Tchad, n’apparaît réellement que comme le premier des ministres.

Dossier réalisé par Moussaye Avenir De La Tchiré (La Voix)


Youssouf Saleh Abbas compte ses jours...

Les mouchardages des caciques du MPS, la guerre de leadership très peu visible, mais accrue au Ouaddaï, jouent favorablement contre le maintien du Premier ministre. Les grosses pointures du MPS reprocheraient au Pm d’être le plus souvent hostile aux nominations  de leurs militants aux postes de responsabilité. Pour les membres du clan du président de la République, il constitue une barrière pour leurs profits.
L’on se souvient qu’en septembre 2008, le Pm s’est énergiquement opposé à la nomination de plusieurs militants du MPS sans qualifications requises dans les unités administratives. Il aurait mis fin aux nominations fantaisistes orchestrées par certains ministres. Cette volonté du Pm d’améliorer un tant soi peu la gouvernance en état de décrépitude, s’est heurtée à la résistance des ministres proches du chef de l’Etat. Depuis lors, plusieurs accusations à têtes chercheuses pullulent dans les couloirs du cabinet présidentiel contre lui. D’après des indiscrétions à la présidence, plusieurs fils du Ouaddaï sont parmi les détracteurs du Pm. Les pressions familiales elles aussi, renforcent de plus belle ces coups bas.
Des sources généralement bien informées confient que la préoccupation de Déby qui consiste à en découdre à tout prix avec les rebelles de l’est, risque d’alimenter les raisons de l’éjection du Pm. Les mêmes sources indiquent qu’en prévention d’éventuelles attaques rebelles, l’homme fort de N’Djaména veut dissuader à tous les niveaux. Il serait en train d’envisager la nomination d’un militaire à la primature.

Confiance en trompe-l’œil

La “confiance” de Déby ne dure pas longtemps. Pour quiconque maîtrise les jeux politiques instaurés par le régime MPS, le départ de Youssouf Saleh Abbas dans ses conditions est probable. YSA doit sa nomination au jeu politique orchestré par Idriss Déby pour calmer les tensions ouaddaïennes des lendemains de la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. Aujourd’hui, il n’y a plus rien à régler avec les fils de cette région. Ibni est oublié et les moyens militaires installés dans cette région sont assez dissuasifs.
Dans certains milieux politiques, l’on estime que l’actuel Pm a la bénédiction des diplomates accrédités au Tchad. Cependant, au vu de la posture actuelle de IDI, ce ne sont pas les chancelleries occidentales qui pourront l’empêcher de mettre fin aux fonctions d’un chef de gouvernement. Quand on sait qu’il a réussi à mettre au défi la puissante Banque mondiale.
Le départ du Pm ne fait donc l’ombre d’aucun doute. Lors du séjour du président de la République dans son Am-Djarass natal, chaque lobby de son clan lui aurait proposé -à sa demande- un nom. En dehors de ces grenouillages, il aurait personnellement entrepris des consultations avec quelques hauts cadres. Il s’agit du président du conseil économique et social, Delwa Kassiré Coumakoye, et du député Saleh Kebzabo. L’aile militaire du clan serait plutôt favorable au général de division Gouara Lassou. Selon une source proche de l’ambassade du Tchad aux Etats-Unis, le PR aurait exprimé autour d’une table, lors de son dernier passage à New York, son intention de permuter Youssouf Saleh Abbas et Mahamat Saleh Annadif, actuellement représentant de l’Union africaine auprès de l’ONU. En tout état de cause, toutes les oreilles sont tendues vers la radio nationale pour écouter l’acte tant attendu de l’imprévisible Idriss…
 
Avenir.

Le quinté dans l’ordre plus un toquard

Les favoris


Haroun Kabadi
Un PM pour les élections

Secrétaire général de la présidence et troisième personnalité du Mouvement Patriotique du Salut (MPS, au pouvoir), cet agronome, la cinquantaine entamée, est proche parmi les proches du président. Défenseur enflammé de la politique du président Déby, Haroun Kabadi est capable d’interpréter avec exactitude le moindre geste de son patron. Ancien directeur général de la Coton Tchad, premier ministre et plusieurs fois ministre, il est l’un des loyaux serviteurs de Déby qui a su lui régler ses problèmes financiers durant la période des vaches maigres. Il pourrait certainement être le premier ministre de la rupture, surtout que ses deux prédécesseurs ne sont pas du MPS. Haroun Kabadi est un homme prêt à tout faire et qui sait tout faire. Il peut être d’une grande utilité pour les élections. Surtout que l’Accord du 13 août menace sérieusement les anciennes manœuvres  électorales qui profitaient au MPS.  Il est l’un des maîtres à bord du parti au pouvoir. Dans la mer agitée des élections, il tiendrait le gouvernail avec vigueur. Le bateau MPS pourrait tanguer, mais avec lui, il ne coulera pas. Les bookmakers de la scène politique font de lui le cheval N°1.


Mahamat Saleh Annadif
Un technocrate obéissant


Technocrate diligent, Annadif est sur le point de bénéficier de la plus grande largesse de Déby. Ancien membre influent du bureau exécutif du PLD d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, ce fonctionnaire des postes et télécoms, a fait preuve d’une fidélité indéfectible au chef de l’Etat. Son passage affirmé au ministère des Affaires étrangères et au cabinet civil de la présidence de la République, lui a attiré le respect de toute l’opinion nationale. Il demeure le grand chouchou de la cour présidentielle. Ces atouts peuvent jouer en sa faveur. En sus, l’entourage de Déby estime qu’il peut créer des scissions au sein de l’UFR constituée de milliers de ses “frères arabes”. Cet aspect pourrait constituer un point fort auprès d’IDI. Car, malgré le retour des rebelles arabes tels que Hassan Saleh Algadam Eldjineidi et Ahmat Hassaballa Soubiane, les groupes armés arabes sont restés constants. Toutefois, Mahamat Saleh Annadif reste un candidat à ne pas négliger pour le poste de premier ministre. Surtout que ces derniers temps, Déby se soucie peu de nommer à tout prix un Pm sudiste.


Gata Ngoulou
Le préféré des bailleurs de fonds


L’actuel ministre des Finances, par son cursus, est l’homme que les bailleurs de fonds souhaitent voir désigné à la primature. L’objectif que rechercheraient les bailleurs est la meilleure gestion et la parfaite sécurisation des fonds. Surtout en ce moment où des cabinets de notation réputés comme l’International Crisis Group, dénoncent le “gaspillage des revenus pétroliers”. Ancien secrétaire général de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, l’arrivée de ce financier chevronné à la tête du ministère des Finances, serait selon plusieurs sources, imposée par les partenaires. Très apprécié au gouvernorat de la BEAC pour ses compétences et sa diligence, Gata Ngoulou aurait des épaules assez larges pour limiter les gaspillages des fonds pétroliers. Le dernier scandale financier du trésor public est interprété par les observateurs comme un instrument de déstabilisation destiné à l’affaiblir. Mais cette astuce ne peut prospérer, surtout que la gestion des finances sous le régime de Déby est connue de tous. Gata est considéré comme l’un des prétendants les plus sérieux de l’actuel Pm. L’homme est réputé intègre et travailleur. L’enquête sur le dernier scandale à la BEAC l’a quasiment blanchi. Une autre flèche qui s’ajoute à son carquois. Candidat à prendre au sérieux.


Outsiders

Saleh Kebzabo
 Nomination suicidaire pour l’opposant

Agé de 62 ans, l’ancien allié de Déby, a le profil pour briguer le poste de premier ministre. Resté constant dans toutes les consultations électorales, Saleh Kebzabo est le seul opposant dont la popularité peut inquiéter IDI à la prochaine présidentielle. Moult manœuvres de déstabilisation orchestrées par le MPS contre son parti, n’ont guère réussi. Fort de son grand Mayo-Kebbi, le président du parti de la calebasse pourrait surprendre en 2011, si par miracle les conditions de transparence, telles que stipulées par l’Accord du 13 août, sont respectées. Probablement, sa nomination déjà envisagée par les têtes pensantes du MPS selon des sources introduites, a pour but de l’embarquer dans l’erreur politique commise par ses amis de la CPDC qui ont accepté d’entrer dans le gouvernement. Ce souci de lui faire récolter un vote sanction à l’exemple de Waddal A. Kamougué en 2001, pousserait probablement Déby à le nommer. Si rien ne filtre de sa dernière audience avec le chef de l’Etat à Am-Djarass, des rumeurs font état d’une consultation. Ce fin politicien a fait avaler des pilules amères à Déby au point de l’amener à ne plus accepter une alliance politique. Son tact et sa tactique ont failli faire perdre les élections à Déby en 2001, n’eussent été les puissantes machines de  fraudes mises en marche.

Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye
Dans l’attente d’un triplé

Véritable animal politique, il est l’un des anciens opposants de Déby qui a su jouer sa carte en ces dernières années. Très versatile et affamé des honneurs, Kassiré est prêt à tout pour obtenir ce qu’il recherche. Sans la moindre gêne, il a accompagné Déby dans le feuilleton électoral de 2006. Son retour à la primature en 2007 a surpris plus d’un Tchadien. Durant son passage à la tête du gouvernement de transition entre 1993 et 1995, il a sérieusement perturbé le sommeil de Déby avec ses multiples ambitions politiques. Emprisonné pour cause d’enjeux électoraux, il a vécu un calvaire pendant près de 7 ans. Ce long moment de galère lui a permis de rectifier le tir et de nager dans les eaux de la majorité présidentielle où il se sent visiblement comme un poisson dans… l’eau. Ejecté en 2008 suites aux pressions libyennes et françaises, mais aussi à cause de son obstruction faite à la mise en application de l’Accord du 13 août 2007, rien n’exclut qu’il revienne. A 60 ans, il a assez d’énergie à mettre au service du pays. C’est aussi le seul Pm  qui a toujours fait de la question sociale son véritable cheval de bataille. De tout temps, il a su juguler les plus grandes crises sociales qui ont secoué le Tchad. Il reste en tout cas l’homme politique le mieux connu de Déby et qui a su protéger les intérêts du clan. Toutefois, ses chances sont compromises à cause du mécontentement de Kadhafi qu’il a ouvertement accusé d’être derrière l’incursion rebelle des 02 et 03 février 2008 à N’Djaména. Mais il pourra être nommé si Déby décide d’entrer en disgrâce avec l’incontournable “Guide” libyen et son parrain Nicolas Sarkozy.

Le cas Gouara Lassou

Le vieux Général a précipitamment quitté Torock, son village natal où il séjournait depuis trois semaines dans la perspective d’une installation définitive, abrégeant ainsi ses vacances, pour rallier N’Djaména. Nos antennes nous signalent qu’il aurait reçu un coup de fil en provenance du Palais Rose. Ce retour précipité dans la capitale a coïncide avec un retour, celui du chef de l’Etat, après sa participation à l’Assemblée générale de l’Onu à New York. Cette information constitue un indicateur non négligeable en cette période précise… Ses prouesses militaires et son expérience politique font de lui le militaire favori pour accéder au poste de premier ministre. Co-auteur du premier coup d’Etat militaire, il a été ministre de l’Education nationale sous le Conseil Supérieur Militaire de 1975 à 1978. Il a été le Chef d’Etat- major du Conseil de Commandement des Forces Armées du Nord (CCFAN), mouvement politico-militaire qui a porté Hissein Habré au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat. Il fut durant tout le règne de Habré un omnipotent ministre et secrétaire exécutif national de l’Union Nationale pour l’Indépendance et la Révolution (UNIR), le parti unique de l’époque. Très bien connu d’Idriss Déby Itno, son adjoint du CCFAN, Gouara serait le militaire le mieux indiqué pour l’aider à défaire l’UFR. Ses chances peuvent cependant être compromises par ses démêlés du passé avec le chef de l’Etat. Notamment son militantisme dans la Convention Nationale pour la Démocratie et le Socialisme (CNDS) de feu Adoum Moussa Seïf, et son insoumission lors de son passage à la tête de l’Etat-Major Général des Armées entre 1997 et 1998. Toutefois, depuis son ralliement officiel au MPS lors du congrès de 2004, ses relations avec Déby se sont rétablies. Gouara Lassou bénéficie aussi du soutien indéfectible des vieux combattants généraux du BET qui entourent Déby. Il pourra tirer profit de la reconnaissance de ses vieux compagnons qui lui doivent leur ascension militaire et sociale. Sa nomination pourrait servir à détruire les bases électorales de Saleh Kebzabo, si d’aventure ce dernier venait à refuser l’offre. Gouara peut disposer d’une force dissuasive sur le plan politique. Il est vrai que ceux qui le soutiennent auprès du chef de l’Etat n’ont pas un poids réel, mais ses chances sont peut-être sérieuses. Attention au cheval tocard ! Des fois, il peut déjouer les pronostics.


La petite histoire de la fonction

Le Président tchadien Félix Malloum introduit le poste de Premier ministre en 1978 et y place Hissein Habré. Le poste de Premier ministre est un levier aux mains de Habré qui devient très puissant et force la démission de Malloum en 1979. Le poste reste vacant, Habré craignant d’engendrer un adversaire puissant. Il faudra attendre l’arrivée d’Idriss Déby Itno au pouvoir pour voir la nomination d’un nouveau Premier ministre en 1991 : Jean Alingué Bawoyeu.

Source: LaVoixduTchad
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