Bongo et la France : quarante ans de mauvais coups

Publié le par Abouchanab Djahanouf Al-djihémane

Après 41 années passées à la tête du Gabon, Omar Bongo est mort dimanche, à 73 ans, des suites d'un cancer, a indiqué au Point une source proche de son entourage. Après avoir suspendu ses pouvoirs à Libreville le 6 mai, le plus ancien chef d'État africain avait été admis dans une clinique de Barcelone. La carrière de Bongo et ses liens incestueux avec la France, avec l'INA.

(De nos archives) Mémoire vivante de la Ve République, Omar Bongo a bien connu tous les présidents français, de Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy. Le Président du Gabon a d'ailleurs donné sa propre définition des relations franco-africaines : "L'Afrique sans la France, c'est la voiture sans le chauffeur. La France sans l'Afrique, c'est une voiture sans carburant.

Le général de Gaulle reçoit Omar Bongo à l'Elysée en janvier 1968, soit quelques semaines après l'accession au pouvoir de ce dernier. Dans "Affaires africaines" (Fayard, 1983), Pierre Péan a levé le voile sur une investiture largement organisée par la France. Après l'indépendance du Gabon, le 17 août 1960, Paris soutient le Président Léon M'Ba qui, à défaut d'être un impeccable démocrate, est proche des autorités françaises.

A sa mort, en 1967, Jacques Foccart, le "Monsieur Afrique" de l'Elysée, opte pour son directeur de cabinet, un ancien sous-officier de l'armée française, Albert-Bernard Bongo. Quelques élections opaques plus tard, le jeune Bongo (32 ans) devient maître du Gabon. Il fonde alors le parti unique PDG (Parti démocratique gabonais). (Sur la vidéo, le 5 janvier 1968.)

Le président Pompidou reçoit Bongo à l'Elysée. Jacques Foccart dessine toujours les grandes lignes de la politique africaine. En 1973, Albert-Bernard Bongo se convertit à l'islam et devient Omar Bongo. Cette conversion l'aide à adhérer à l'Opep en 1974. (Sur la vidéo, le 6 juillet 1970.)

Avec Valéry Giscard d'Estaing à l'Elysée, un nouveau style s'impose, mais pas de réforme en matière de politique africaine. Giscard tient son Foccart en la personne de René Journiac, ancien magistrat colonial. Les prospections de pétrole d'Elf débutent sous VGE. En 1977, André Tarallo devient PDG d'Elf Gabon : en 2005, il est condamné à sept ans de prison et deux millions d'euros d'amende pour abus de biens sociaux au détriment du groupe pétrolier. (Sur la vidéo, le 28 juillet 1977.)

1984 : Omar Bongo est reçu en grande pompe par François Mitterrand. En 1994, le Président gabonais qualifiera le chef d'Etat français de "Mitterrand l'africain, le combatif et le fidèle". Venant d'Omar Bongo, le compliment a de la saveur.

Dans son ouvrage d'entretiens avec Airy Routier, du Nouvel Obs, Bongo avait balancé ses amis français : "Giscard n'a pas été le seul à recevoir en cadeau des plaquettes de diamants de Bokassa : beaucoup d'autres en ont reçues, y compris des hommes politiques français importants, qui, à l'époque, se sont fait tout petits."

Ne donnant pas de noms, Bongo s'est contenté de préciser qu'il a aidé ses amis mais n'a, en aucun cas, "aidé tel parti contre un autre". Pierre Péan raconte dans "Affaires africaines", sans avoir jamais été démenti, comment Bongo a participé au financement de la campagne du PS en 1981, histoire d'être sûr de gagner, quel que soit le vainqueur… (Sur la vidéo le 4 octobre 1984.)

1996 : Jacques Chirac se rend à Libreville. En France, l'affaire Elf défraye la chronique politico-mondaine. Omar Bongo, dans cette interview, répond que l'affaire est "franco-française" et qu'il demandera des "comptes" si l'argent du Gabon a été pillé. Plus de 2 milliards de francs ont été détournés des caisse du groupe pétrolier par ses dirigeants à la fin des années 80. Nerf de la guerre de toutes les transactions occultes, la Fiba (French International Bank of Africa) appartenait à Elf, à la famille Bongo et à l'Etat congolais. (Sur la vidéo, le 16 juillet 1996.)

Corrigé le 19/02/2008 à 14h50, l'indépendance du Gabon étant intervenue le 17 août 1960, et non en 1965 comme nous l'avions indiqué par erreur.

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