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La folie guerrière qui tuera encore nos enfants…

Publié le par Abouchanab Djahanouf Al-djihémane

Le coup de gueule exemplaire et très osé du Dr Djiddi Ali Sougoudi, Médecin stagiaire à Fada, Major de la promotion nationale de 2007, dans le journal Le Temps N°607 du 13 au 19 mai 09, révolté par le spectacle horrifiant des petits enfants déchiquetés par des mines « libyennes », semble être passé comme du vent aux oreilles de ceux qui sont comptables des conséquences des actes des guerres qu’ils ont fomentées. En effet, sur BBC Afrique, nous apprenons encore ce matin le triste sort de ces deux enfants de Goz-Beida qui viennent de mourir douloureusement après avoir été soufflés par des engins non explosés des derniers duels des « braves libérateurs ou défenseurs » selon le camp. Ces incidents périodiques qui jalonnent et empoisonnent la vie quotidienne des populations des régions du BET et de l’Est, sans oublier le péril vécu par les équipes de démineurs, nous interpellent tous.

Commençons par les belligérants d’hier et d’aujourd’hui : de 1978 à 1987, une forte proportion des élites des tendances politico-militaires de l’époque avait servi de couverture à l’occupation et à un début de colonisation de la partie Nord de notre pays par la Libye (qui avait déjà annexé la bande d’Aouzou depuis 1973). Ces Tchadiens, dont la plupart sont encore aux affaires, ont préféré être servis en soutien militaire, financier et diplomatique, pour affronter leurs frères et détruire leur peuple et leur territoire, pourvu qu’ils soient au pouvoir. L’occupant n’étant jamais un ami ou un bienfaiteur gracieux, avait pris ses précautions pour signer son aventure criminelle en semant partout des mines. Ce sont des mines qui tueront aussi, dans d’autres circonstances, deux leaders du BET, Youssouf Togoïmi et le Dr Mahamat Gueti.

Aujourd’hui, la région du BET est toujours considérée comme dangereuse, non pas à cause de bandes armées incontrôlées qui y séviraient (dans la mesure où la vie sociale même est militarisée à outrance), mais à cause des ennemis invisibles (les mines), ces armes de la honte et de la déchéance patriotique qui guettent les pauvres populations nomades, particulièrement les femmes et les enfants. S’il n’y avait pas eu l’inconscience d’une élite pseudo-révolutionnaire et antipatriote qui avait fait le jeu de l’occupant pendant vingt années de querelles de pouvoir, aujourd’hui le BET serait promu à un développement resplendissant avec ses immenses richesses touristiques et minières. Malheureusement, les élites du BET ont hypothéqué pour longtemps cette perspective heureuse tant que les mines n’auront pas été gommées du paysage hostile de la région.

Dans la partie Est du pays, les belligérants se sont dotés de moyens colossaux (dont ne disposent même pas des Etats africains tiers), rien que pour en découdre entre frères ennemis qui buvaient le thé ensemble il y a peu, en se coalisant contre les autres Tchadiens. Près à utiliser ces engins de mort partout, y compris à N’Djaména en février 2008, leurs folies n’ont aucune cure des conséquences de leurs actes de belligérances sur les populations qu’ils prétendre protéger ou libérer selon. Ainsi, Dieu seul sait combien de temps l’Etat tchadien et la Communauté internationale seront obligés de consacrer des ressources de développement au ramassage et à la neutralisation des engins dangereux abandonnés à tout champ par les « vaillants combattants » des deux côtés ? Combien de victimes civiles devront être tuées ou amputées dans ces régions de l’Est et sur le trajet de Rabah (celui qui part du Soudan pour déboucher au Palais Rose) ? Quand certains auront eu ce qu’ils veulent de leur acharnement, qui se souciera du calvaire des populations rurales affectées par les conséquences des divers combats ? La possession d’une belle villa turque, des cantines d’argent et d’or et de grosses cylindrées à N’Djaména vaut-elle toute cette lutte à main armée ?

On expliquera certainement à ces handicapés des mines que c’était le prix à payer pour leur « libération » ? Ou aux parents des jeunes combattants morts et dévorés par les animaux sur les champs de batailles que ces derniers sont des héros anonymes qui auront permis à d’autres malins de réaliser leurs rêves de pouvoir et de jouissance ? Mais qui « on » ? L’Histoire politique du Tchad a déjà changé six fois de versions sans refléter l’original, la vraie, l’implacable que même à Paris on ne souhaite pas sa divulgation, jusqu’à quand pourra-t-on continuer à tricher avec les vies humaines et les patrimoines des populations tchadiennes ? Ne parlons même pas du fait désolant que notre pays soit aujourd’hui protégé en partie par des forces étrangères africaines et européennes, ce qui nous déleste de nos derniers attributs de souveraineté ? Nous sommes plus que jamais traités comme un peuple immature qui ne reconnait ni son intégrité territoriale, ni ses bases républicaines et dont les institutions ne sont pas sacrées, à qui la faute ? Pour couper court à ceux qui voudraient parler de 18 ans, et pour aborder dans le même sens que le Dr Djiddi Ali Sougoudi, le mal remonte à plus loin et n’est pas prêt de s’éteindre même si le président Idriss Déby Itno faisait la surprise de l’annonce de son retrait de la vie politique, le lendemain son successeur retrouvera les mêmes démons à ses trousses comme une malédiction implacable !

Hier c’était la Libye qui était la seule coupable, aujourd’hui le Soudan ; mais quand est-ce que les Tchadiens reconnaîtront enfin leurs propres responsabilités dans la destruction durable du patrimoine de leur pays et l’hypothèque de la quiétude publique de leur peuple ? Si l’on n’est pas capable de traiter objectivement cette question préjudicielle, tout le reste ne vaut plus la peine ! Il n’y aura jamais de pouvoir à N’Djaména où toute une ethnie serait président ou tout à la fois, même si cela avait failli arriver ! Il est temps de se réveiller, compatriotes tchadiens, avant que le monde autour de nous ne nous réveille à sa manière !

Enoch Djondang
enochdjo@yahoo.fr

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