Crise Tchadienne : une française à Dakar, interpelle Paris !

Publié le par Abouchanab Djahanouf Al-djihémane


Mlle Oriane Lavolée.
Nationalité française.
Dakar-Sénégal


Paris apparemment écrit ses propres règles du jeu quand le terrain concerné est l’Afrique. Démocratie, droits de l’homme, liberté d’expression, ces mots perdent le sens lorsque le souci de la politique étrangère française est de préserver ses intérêts économiques, et spécialement pétroliers, en Afrique.

 

Apparemment le continent africain est laissé de côté dans le grand jeu de la démocratie et de la libéralisation, et nombreux sont ceux en position de pouvoir qui semblent trouver cela normal que les populations africaines soient sous le joug de dictateurs autoritaires, voir sanguinaires, tant que ceux-ci restent prêts à collaborer gracieusement avec les grandes puissances économiques mondiales pour se partager la mainmise sur des ressources naturelles dont les populations locales ne jouiront jamais des bénéfices.

 

Je vise Paris en particuliers, certes non parce qu’il s’agit de l’unique pays à agir de la sorte, mais en tant que française je ne peux m’empêcher de m’indigner, et d’avoir honte, de la continuation de la françafrique, cette relation sans éthique et sans scrupule que le gouvernement français entretient avec les pays africains depuis l’indépendance, sous le nez de tous et pourtant sans grande réaction de la population française, ni même de la communauté internationale. Il faut dire que parmi les français, seuls les gens réellement avertis, qui d’eux-mêmes vont creuser le sujet, ou qui s’engagent dans la lutte contre le pillage de l’Afrique et l’oubli des africains, se rendent vraiment compte de la relation que notre gouvernement entretient avec l’Afrique francophone.

 

D’autres n’ont qu’une notion vague de relations centrées sur les intérêts économiques, mais une grande partie de la population française, pourtant généralement éprise de justice et de démocratie, ignore le tort que le gouvernement français inflige à la démocratie africaine, mais aussi à la démocratie française, en apportant son soutien à certains chefs d’états africains qui n’ont d’autre mérite que d’ouvrir leurs pays à Total, Areva, Bolloré et compagnie, et de laisser leurs compatriotes mourir de faim. Mais il est temps que cela change et que la France ramène ses relations avec le continent africain dans les rangs de la démocratie et de la justice.

 

Je dénonce donc, en tant que française, le soutien que la France apporte aux dictateurs africains, à commencer, puisque là est le sujet de cet article, par son soutien apparemment inconditionnel au régime de Déby, qui en ce moment s’apparente même à une complicité assez alarmante.

 

Il y a moins de deux semaines, les rebelles tchadiens, opposants au régime dictatorial de Déby, pénétraient dans le Tchad en provenance du Soudan dans une colonne de véhicule 4x4. Quelques jours plus tard la formation rebelle avait été disséminée, et les rebelles fuyaient pour chercher refuge en dehors du pays. Le Monde indiquait que les rebelles avaient été bombardés par des avions « pilotés par des équipages étrangers », sans autre indication. Je cherchai les autres articles sur le sujet dans ce journal, mais aucune explication plus compréhensible n’était fournie. Dans Libération, on disait que Paris affirmait que les 1100 soldats français de l’opération Epervier s’étaient contentés de suivre l’opération « avec attention », et que les Casques Bleus avaient intervenus pour protéger les humanitaires et les réfugiés. Pas plus de renseignements donc, sur ces mystérieux avions pilotés par des « équipages étrangers ».

 

Sur France 24, on apprend tout de même que les soldats français de l’opération Epervier fournissent des renseignements obtenus par surveillance aérienne à l’armée tchadienne. Voilà du moins une confirmation du côté que la France choisi dans ce conflit. Pour le reste, je vous laisse extrapoler.

 

Mais passons, la France honore ses accords militaires et opte pour la sécurité et le maintien de l’Etat. Soit. Elle pourrait encore prétendre vouloir encourager une démocratisation pacifique. Pourtant la France n’a jamais encouragé l’instauration d’un véritable dialogue entre les forces rebelles et le gouvernement tchadien. Pis encore, elle s’est récemment faite complice du gouvernement tchadien dans ses manigances liberticides, en refusant un visa au député de l’opposition démocratique, Ngarlejy Yorongar. Ce député fédéraliste lutte pour la démocratie, la justice et la liberté au Tchad depuis longtemps déjà, et sa situation est en ce moment précaire. Après avoir été incarcéré et malmené l’an passé par les autorités tchadiennes, il était venu chercher asile en France, et s’y faire soigner. Revenu au Tchad pour continuer son combat, on lui refuse maintenant un visa français qu’il a demandé pour des raisons médicales, car son état de santé ne fait que s’aggraver depuis son retour au Tchad, pays qui n’a pas les infrastructures ni les équipements médicaux nécessaires à son traitement.

 

De Dakar, je suis indirectement la situation de Yorongar par mon ami Makaila, qui est en contact avec le député et diverses personnes qui s’inquiètent beaucoup de l’état de santé du député. Le but est avant tout d’évacuer Yorongar et de le soigner, et puisque la France refuse, d’autres pistes sont explorées, et devraient aboutir. Mais comment s’expliquer ce refus de la France ? Des lettres ont été envoyées au gouvernement français, par l’association Survie par exemple, qui lutte contre la Françafrique (beaucoup d’informations intéressantes sur leur site, http://survie.org), et tous les moyens employés pour tenter de faire valoir la cause de Yorongar. Il faut pourtant se faire à la réalité, la France est prête à ignorer l’appel à l’aide d’un combattant démocratique, se rendant coupable, au mieux, de non-assistance à personne en danger, au pire, de complicité dans la répression totale du peuple tchadien, de la liberté d’expression et des élans démocratiques du pays.

 

 Il ne s’agit peut-être que d’un incident touchant un député d’un pays africain, incident qui passe facilement inaperçu dans la presse française. Pourtant cet incident en dit beaucoup sur les intentions du gouvernement français en Afrique, ses priorités et les valeurs qu’il choisit de promouvoir.

Nous ne pouvons le laisser passer inaperçu. Il est temps que l’Elysée se voit imposer les mêmes règles pour ses actions en Afrique que dans le reste du monde. Fournir un soutien militaire à un régime autocratique et refuser toute aide aux forces de changement démocratique ne peuvent plus être considérés fairplay.  

 

Oriane Lavolée

 

Contact :

 

NDRL : Oriane Lavolée, est étudiante française, titutalaire d’un diplôme universitaire en développement international.Depuis son arrivée à Dakar, elle a sympathisé avec Makaila Nguebla et soutient à travers ses contributions intellectuelles, son combat politique sur son blog, pour l’instauration d’une démocratie effective au Tchad.

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