DECLARATION LIMINAIRE Du Colonel Kougou. ADOUM YACOUB

Publié le par Aboud Charara



Président du F.P.R.N. et Coordonnateur National de l'U.F.C.


Mesdames, Messieurs, Chers amis,


Merci d'avoir répondu positivement à notre invitation, témoignant ainsi de votre intérêt pour les problèmes qui se posent au Tchad et au peuple tchadien.

Nous adressant à la presse, nous voulons assurer de notre sympathie deux journalistes abusivement privés de liberté au Niger, Moussa Kaka et Ibrahim Diallo, ainsi que leur collègue arrêté la nuit dernière. Nous voulons également avoir une pensée pour trois

journalistes tchadiens, morts victimes des innombrables conflits qui ont secoué notre pays:



MATA BEN MATA, ALKHALI MAKKA, et SALEH NGABA.


Mesdames, Messieurs, Chers amis,


Il est difficile, sans paraître radoter, de caractériser le pouvoir qui sévit actuellement en République du TCHAD. C’est qu’en effet les inqualifiables forfaits des tenants de ce régime se reproduisent inlassablement depuis pratiquement dix sept ans, comme les symptômes d’une maladie incurable.


La gestion du pouvoir par M. IDRISS DEBY et les exactions commises par les siens ont laissé dans la mémoire des tchadiens des blessures si douloureuses, des traces si profondes, que c’est là et nulle part ailleurs qu’il faut chercher les raisons des rébellions successives qui continuent de baliser les deux dernières décennies de l'histoire du pays.

Il est vrai qu'un petit espace de libertés a été inauguré permettant l'avènement de plusieurs partis politiques, morcellement d'une opposition qui aurait tout à gagner à s'allier au sein d'un grand rassemblement. Mais la mainmise totale du clan présidentiel sur l'appareil d'Etat et l'administration territoriale réduit l'exercice démocratique à sa plus simple expression: les partis sont soit récupéré et satellisés, ou bâillonnés.


L’ère démocratique proclamée à cors et à cris au début du règne de IDRISS DEBY s’est traduite, à l’usage, par une interminable époque d’oppression et de répressions inaugurée, dès Octobre 1991, par le mémorable massacre des ressortissants de la région du GUERA sous le classique prétexte du «complot » ourdit par le défunt MALDOUM BADA ABBAS, pourtant numéro 2 du régime. En Octobre 1993, c’était au tour du numéro 3 du système, ABBAS KOTTY, d’être abattu en plein jour, par les tueurs du Président.


Entre ces deux évènements, plusieurs assassinats, crimes de sang froid, ont été commis sans donner lieu à aucune sorte d’enquête : ABAKAR IDRISS HAGGAR, enseignant ; DEMTITA N’GARBAROUM, officier supérieur, Me BEHIDI, avocat, vice président de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme; sans compter la déportation et la liquidation de trois cent soixante dix (370) réfugiés avec la complicité du gouvernement Nigérian en 1992, les massacres, vols, viols, incendies de villages dans la région du LOGONE en 1994 sous prétexte de lutte contre des opposants armés, le carnage à la mitrailleuse de civils (plus de trois cents -300- morts) qui manifestaient pour dénoncer un autre massacre de soixante dix (70) paisibles citoyens dans un marché hebdomadaire de village.


De fait, intimidations, assassinats, usage excessif de la force, étaient devenus les principales caractéristiques et méthodes de gouvernement de la « démocratie » formule M.P.S.

C’est depuis 1991 que les rébellions se succèdent au TCHAD de manière ininterrompue :


- F.A.I.D.T. dans le massif montagneux du GUERA (Novembre 1991);

- M.D.D. dans les marécages du LAC TCHAD (Décembre1991) ;

- F.N.T. dans les savanes du OUADDAI (1992);

- C.N.S.D.P. dans les monts du LOGONE (1993) ;

- C.N.R. essentiellement en exil en Afrique de l’Ouest puis au Soudan

- F.A.R.F. dans le LOGONE (1995) ;

- A.N.R. dans les monts du DAR TAMA

- M.D.J.T. dans les montagnes du TIBESTI (2000)

- F.D.P. dans le MOYEN CHARI ;

- F.P.R.N. dans le SUD EST du pays (2001)

- M.P.R.D. à la lisière du GUERA et du MOYEN CHARI (2005)

Et les plus récents, et les plus actifs depuis un an en raison de leur sponsorisation par KHARTOUM, une série de mouvements qui changent si souvent de noms, et dont on retiendra :

- Ex R.D.L./ F.U.C.

- U.F.D.D.

- R.F.C.

Et d’autres encore qui sont entrés et ressortis de ces principaux regroupements (C.N.T., U.F.D.D. fondamental, C.D.R.T. ainsi que d’autres transhumants) et, plus récents, U.F.N.T., F.S.R., etc.


Les troubles et conflits tchadiens sont donc bien antérieurs à la situation actuelle qui prévaut dans la région, dominée par la crise du DAR FOUR, celle dont on parle actuellement et qui a commencé début 2003 avec le raid des rebelles soudanais sur l’aéroport d’EL FASHER.


Par la force de choses, des conflits totalement différents se sont trouvés imbriqués dans cette zone par la volonté des gouvernements tchadien et soudanais de s’accuser mutuellement de soutenir leurs opposants respectifs (ce qui d’ailleurs a fini par arriver). Il est indéniable que la crise du DAR FOUR a des répercussions sur la situation du TCHAD, mais il est absolument faux de croire que le problème tchadien en serait une ramification. Même si aujourd’hui, on cherche par tous les moyens à lier ces situations comme en LIBYE où, devenu « pacifiste et pacificateur », Gadhafi fait tout pour résoudre " les problèmes qui opposent le TCHAD et le SOUDAN ", ce qui est en soi une action louable si certains antécédents mémorables n’imposaient de mettre un bémol à l’enthousiasme d’une paix facile, trop facile.


Certains des groupes que nous avons énuméré ont déjà expérimenté la voix de la solution pacifique de leur différend avec le pouvoir de IDRISS DEBY mais presque toujours, le marché s’est achevé sur un extrême préjudice, la liquidation physique, pour le chef du mouvement d’opposition.

Jugez plutôt :


Moïse KETTE NODJI, assassiné après son " retour à la légalité " suite à un accord de paix signé à BANGUI (R.C.A.)
ABBAS KOTY, assassiné à son retour au pays après un accord signé à TRIPOLI (LIBYE)
LAOKEIN BARDE, assassiné après un ralliement négocié par l’intermédiaire de chefs traditionnels et proches parents
YOUSSOUF TOGOÏ-MI, mort dans des circonstances non encore élucidés et pour le moins troubles dans un hôpital de TRIPOLI (LIBYE) après un accord de paix signé avec le gouvernement tchadien dans cette même ville.
MAHAMAT NOUR ABDELKERIM, après un accord signé à TRIPOLI (LIBYE), est actuellement Ministre de la Défense en disgrâce, coupé de sa troupe qui est de nouveau entrée en dissidence, affaire à suivre.
ALI AHMAT AGHBACH, signataire d’un accord frais d’à peine un mois a perdu au moins trois officiers morts des suites de l’empoisonnement du puits autour duquel ses hommes étaient regroupés.

Dire que M. IDRISS DEBY n’est pas un homme de parole, est un véritable euphémisme. Cet homme est dangereux! Il n'a pas hésité à se compromettre dans des activités mafieuses comme le trafic de stupéfiants et le recel de fausses monnaies (dollars et dinars de BAHREIN) pour financer la répression, il n’a pas de vergogne non plus à monnayer les services de son armée pour des aventures militaires telles que dans les deux CONGO et en CENTRAFRIQUE.


Il nous faut rappeler également M. IDRISS DEBY n'est pas seulement irrespectueux des accords qu'il signe avec ses compatriotes, mais il n'a cesse de renier ses engagements internationaux. Il n'a pas hésité à utiliser le bonus pétrolier pour acheter des armes dans un premier temps, puis à abolir l'épargne pour les générations futures, remettant entièrement en cause les accords passés avec la Banque Mondiale.


C’est pourtant cet homme que des troupes européennes, sous mandat de l’O.N.U. vont aller protéger car c’est bien de sauver le régime DEBY qu’il s’agit lorsqu’on envoie des troupes au TCHAD même si l’on évoque les problèmes du DAR FOUR pour se justifier.

Sécuriser les camps de réfugiés et de déplacés ? Tout à fait d'accord. Mais contre quel danger? D'où vient la menace? "Jenjawid " ? Rebelles soudanais? Rebelles tchadiens? Forces gouvernementales tchadiennes? M. NASH, Général irlandais commandant l'EURO FORCE disait hier qu'il n'était "pas question d'intervenir dans les affaires intérieures des Etats"? Nous sommes exactement dans ce cas de figure où une force européenne sous un prétexte fallacieux va servir de tampon voire de renforcement aux forces gouvernementales contre une partie de la population en révolte, conséquence d’une politique répressive.

On sait bien que c'est la France qui a voulu et obtenu le déploiement de cette force, finalement avalisé par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Mais quels intérêts la France cherche-t-elle à défendre? S'agit d'un simple prolongement de l'Opération Epervier pour fournir à IDRISS DEBY une "Garde Européenne" en lieu et place de sa "Garde Républicaine" devenue moribonde? Ou bien encore une force affectée au gardiennage des intérêts des compagnies pétrolières américaines et … chinoises (dernières arrivées sur le marché pétrolier tchadien? C’est un véritable paradoxe tant les intérêts occidentaux et chinois sont antagoniques, particulièrement dans cette région ou tout est mis en œuvre pour stopper l'"avancée chinoise".


Ou bien alors s'agit-il d'accompagner les pourparlers de paix dont une phase s’est achevée la nuit dernière à SYRTE en LIBYE et dont une seconde phase est supposée démarrer incessamment?


Pour le TCHAD et les tchadiens en tous cas, il est difficile qu’une " réconciliation " ou un " accord de paix " conclu à la va vite permette d’oublier ou simplement de pardonner les innombrables forfaits du pouvoir débyste. Nous osons croire que les accords d'hier à été obtenus grâce à l' "amicale pression" des sponsors soudanais des quatre mouvements signataires. Nous croyons que les signataires ont accepté le désarmement des combattants, leur cantonnement hors du territoire national dans un premier temps au moins malgré les dénégations de dernière minute dus au rejet par la plupart des combattants de la capitulation de leurs chefs. Témoins des récents déboires de la troupe de MAHAMAT NOUR, les soldats ont majoritairement rejeté cette reddition qui veut les conduire au pays les mains nues, comme des bêtes qu'on mène à l'abattoir. Car ces combattants n'ont pas pris les armes pour quelques portefeuilles ministériels au profit de gens qui du reste ont bénéficié de ces privilèges, sinécures et prébendes pendant près de quinze ans.

Il n'y a aucun changement institutionnel, aucune échéance, tout le monde rentre dans les rangs, parenthèse rebelle fermée, DEBY se fera réélire indéfiniment (véritable président à vie)…


Cet accord laisse intact tous les rapports d'oppression, de domination, d'humiliation du clan et du système qui avaient conduit les gens à prendre les armes. Voilà la vérité.

Nous pensons que KHARTOUM attend que N'DJAMENA renvoi l'ascenseur à l'occasion des pourparlers sur le DARFOUR qui se tiendront dans les mêmes lieux. Nous croyons enfin que les soudanais en seront pour leurs frais, DEBY n'est pas un homme qui tient ses promesses.


Mesdames, Messieurs, Chers amis,


Notre propos ne doit pas être interprété comme le refus de tout recours à des moyens pacifiques pour résoudre les problèmes de notre pays, mais nous constatons que tous les accords passés jusque là laissent intacts les causes profondes de la crise tchadienne qui ont conduit maintes fois à la révolte.


Alors pourquoi mettre autant de moyens et d'énergie au profit de l'éternel recommencement?


Ce n'est pas aider à résoudre les problèmes du Tchad que de soutenir aveuglément IDRISS DEBY. Il faut au contraire le pousser vers la seule et vraie solution pacifique: l'organisation d'une conférence internationale qui impose une table ronde inter tchadienne sans exclusive. Les ralliements individuels, les négociations séparées, sont des solutions partielles; elles ne constituent pas, mêmes mises bout à bout, une solution globale.

Une infime partie de l'argent actuellement investi dans le déploiement des forces suffirait à financer une telle conférence, le reste des moyens financiers pouvant être mis à la disposition des réfugiés et déplacés par l'intermédiaire du Programme Alimentaire Mondial, du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et des O.N.G. présentes sur le terrain.


Je vous remercie de votre patience et de votre attention, et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.


Colonel Adoum Yacoub Kougou,président du FPRN/UFC
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